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de la fin du xive siècle. Il se compose d’un tymbre avec bavière (fig. 9) rivée aux bords antérieurs de la cervelière ; d’un colletin d’acier de deux pièces maintenues ensemble au moyen de deux pivots qui laissent à la partie antérieure une certaine flexibilité. La coiffe du tymbre était fixée à l’aide d’un lacet qui passait par des trous ménagés sur le frontal. Une bande de peau isolait ce lacet de l’acier. La visière, comme dans l’exemple précédent, pouvait être enlevée en tirant les fiches des charnières. Un camail court était rivé au bord inférieur du colletin.

Il y a dans cet habillement de tête une disposition pratique qu’on ne trouve pas au même degré dans le bacinet italien, dont la forme plus pure et plus belle ne présente pas, au point de vue de l’armement, une aussi bonne défense. Cette observation peut du reste s’appliquer à toutes les parties de l’armure défensive du xve siècle. L’habillement de fer français et anglais est plus pratique, plus efficace comme défense, que n’est l’habillement italien.

Le bacinet est conservé jusque vers 1430. Il en est question encore dans les chroniques du xve siècle relatant des faits de cette époque : « Et par expecial avoit sur les murs l’un d’eulx (des Anglois), qui estoit moult grant et groux, et armé de toutes pièces, portant sur sa teste ung bassinet, lequel se habandonnoit très fort et jettoit merveilleusement grosses pierres de fer et abatoit continuellement eschelles et hommes estant dessus[1]. »

Dans les exemples qui précèdent, on voit que rien n’arrêtait la visière lorsqu’elle était abaissée, de sorte qu’un coup de lance ou de pointe pouvait la relever, s’il était adressé de bas en haut. C’était un inconvénient ; aussi chercha-t-on, dès les premières années du xve siècle, à fixer la visière à la bavière. De plus, ces visières, en forme de bec et qui faisaient si bien dévier le fer de la lance dirigé de face, donnaient prise aux coups de masse et d’épée dirigés obliquement. Il en était de même pour les tymbres en pointe. On abandonna donc bientôt ces formes coniques, et l’on chercha à donner au bacinet une forme telle qu’il ne pût, sur aucun point, donner prise aux coups. Naturellement la forme qui remplissait le mieux cette condition était le sphéroïde ou l’ellipsoïde. En effet, de 1400 à 1410 on adopte un bacinet qui ne présente plus aux coups que des points normaux, et non des surfaces, ce qui diminuait beaucoup les chances de l’attaque ; car, pour si peu que le coup ne fût pas exac-

  1. Journal du siège d’Orléans (voyez Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, publ. par J. Quicherat, t. IV, p. 171).