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[ ÉCU ]
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La Chanson d’Otinel ayant été composée vers le milieu du xiiie siècle, on voit qu’alors il n’était pas habituel de peindre les armoiries sur les écus. Dans les poésies de la fin du xiie siècle et du commencement du xiiie siècle, il est fait sans cesse mention d’écus peints : à flors, à lions, d’écus vernissés, d’or verni, couverts de sujets :


« En l’escu de son col ot paint .I. gent miracle,
« Ainssi com Nostre Sire resuscita saint Ladre ;
« II le mit en son col par la guinche de paille[1]. »


Mais fort rarement est-il parlé d’écus armoyés. Cependant nous voyons déjà des écus armoyés sur des monuments du xiie siècle ; entre autres sur la plaque d’émail qui représente Geoffroy le Bel, et qui date du milieu du xiie siècle[2] ; mais c’est là une exception en faveur peut-être des personnages souverains. Les manuscrits ne commencent guère à montrer, dans leurs miniatures, des écus armoyés régulièrement que vers la seconde moitié du xiiie siècle. Dès le commencement du xive siècle, l’usage de peindre les armoiries sur les écus était devenu général à la guerre, car, dans les tournois et joutes, on prenait le plus souvent des emblèmes de fantaisie.

L’usage admis chez les Spartiates de rapporter sur son écu un guerrier mort en combattant se retrouve, pendant le moyen âge, jusqu’au xive siècle. Les exemples abondent :


« Ens la ville entrent, si vont partot querant ;
« Et Amauris l’aporte mort sanglant.
« Concilié l’avoit sour .1. escu luisant .
« Par devant lui le venoit aportant[3]. »


« Parmi la porte ciz-voz entrer Gautier
« Qui Raoul porte sor son escu plegnier.
« Si le sostieuneut li vaillant chevalier.
« Le chief enclin soz son eliiic à oriiii[4]. »


L’écu des hommes d’armes français de la fin du xiie siècle et du commencement du xiiie était grand (lm,50 environ), très-recourbé, droit en haut, avec angles arrondis et pointe aiguë. Ces écus étaient bordés de métal habituellement ; peints sur le champ,

  1. Aye d’Avignon, vers 2730 et suiv.
  2. Musée du Mans.
  3. Huon de Bordeaux, vers 1220 et suiv. (fin du xiie siècle}.
  4. Li Romans de Raoul de Cambran, ch. CLXX.