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[ ÉPÉE ]
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d’avoir confiance en l’arme dont on se sert, et la superstition aidait encore à cette confiance. On croyait en la vertu de certaines épces, et nous voyons au xve siècle Jeanne Darc demander la permission d’aller quérir une certaine épée qu’elle désigne : « Geste dite Pucelle, après qu’elle oult été examinée, requist au roy qu’il luy ploust bailler l’un de ses armeuriers pour aller à Saincte Katherine de Fierbois quérir une espée qui estoit en certain lieu de l’église, venue par la grâce de Dieu et en laquelle avoit emprainte de chaque costé cinq croix, laquelle chose luy fut adcordée, en luy demandant par le roy se elle avoit oncques esté au dit lieu, comment elle savoit la dite espée estre telle, et comment elle y avoit esté apportée. A quoy respondit que oncquez n’avoit esté ni entré en l’église de dite Saincte Katherine, mais bien sçavoit que icelle espée y estoit entre plusieurs vieilles ferrailles, comme elle le sçavoit par révélacion divine, et que par le moien d’icelle espée devoit expeller les ennemis du royaulme de France, et mener le roy enoindre et couronner en la ville de Rains[1]. »

L’épée est donc l’arme par excellence de la noblesse, de l’homme de guerre. Ne faut-il pas être surpris si l’on apportait les plus grands soins à sa fabrication.

Voici une de ces belles épées de la seconde moitié du xiie siècle (fig. 7[2]). Comme dans les derniers exemples donnés, la pointe est arrondie : c’est une arme de taille. La lame, allégée par une cannelure centrale, est très-large au talon (8 centimètres : voy. la section A). Les quillons de fer se développent et le pommeau est en forme de disque, ainsi que le fait voir le profil B. La soie est garnie de bois, avec un fil d’argent en spirale et très-délicates frettes perlées. C’est une belle arme, lourde, mais bien en main ; on observera la belle courbe des tranchants. Nous présentons un fourreau de la même époque copié sur des pierres tombales.

La figure 8 montre encore une de ces belles armes de la fin du xiie siècle[3], française. La lame est composée d’un acier excellent et d’une dureté peu commune. La soie, épaisse et longue, de fer, était garnie de peau ou de fil. En B, est donnée la section de la lame sur cd, et en A sur ab. La large cannelure longitudinale se perd vers les deux tiers de la lame, qui s’élargit un peu au talon, de manière à donner une légère concavité aux tranchants sur ce

  1. Jean Charlier, Chron. de Charles vii, publ. par M. Vallet de Viriville, t. Ier, P. 69.
  2. De l'ancien musée de Pierrefonds.
  3. Musée d’artillerie de Paris. Le pommeau actuel de cette épée, fait de laiton, date de la fin du xiiie siècle. Nous avons mis a la place un pommeau de l’époque de la lame.