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[ ÉPÉE ]
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« Chavalz et chevaliers ensemble ;
« Mes tost refurent, ce me semble,
« Li chevalier en pied, sailli ;
« Et si se sont entrasailli
« As espées tout de rechief ;
« Chascuns ot bien covert le chief ;
« Si s’entrevienent au devant[1]. »

« . . . . En piez revienent ;
« Les escuz qui mult leur avienent
« Metent avant ; espées traites
« S’entrevont et gietent retraites
« Sourmontées et entredens,
« Que nuls ne peüst entr’ex dens
« Veoir fors les espées nues
« Qui vont et vienent ; esmolues
« Sont les espées et trenchans,
« Et il fierent uns cox si grans
« Que trestouz as premerains cox
« Font des hyaumes voler les ciox,
« Si qu’il descerclent et prévoient ;
« Les hauberes que par forz tenoient
« Ne valent rien, tôt sont desront[2]. »

Du jour où les armures furent plus solides et composées en partie de plates, il fallut donner aux épées plus de poids, à la lame plus de force, et escrimer d’estoc plutôt que de taille ; de là ces épées à section quadrangulaire et à pointe très-solide. Même en escrimant de taille, ces épées, véritables barres de fer, faussaient les heaumes, les ailettes ou spallières.

La figure 13[3] montre deux chevaliers combattant à pied avec ces épées courtes, à poignées assez longues pour être saisies des deux mains ; l’un assène un coup de taille à son adversaire, qui répond par un coup d’estoc.

Dans les combats singuliers, on fichait des épées en terre ou des guisarmes et vouges, pour déterminer le champ dans lequel les hommes d’armes devaient combattre. Ils ne devaient pas franchir ces limites, sous peine de déshonneur.

Dans le Roman de Hugues Capet, qui date du xive siècle, il est souvent question de ces épées à deux mains :

« A Champignois fery sur le heaulme réon
« D’un espée à .II. mains, s’avoit le taillant bon[4].

  1. Méraugis de Porlesguez, par Raoul de Hourdene, publ. par M. Miehelant, p. 30.
  2. Ibid., p. 191.
  3. Manuscr. Biblioth. nation., Tristan et Yseult (xive siècle).
  4. Vers 682 et suiv.