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[ ÉPERONS ]
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maille au moyen de fils passant par ces trous ; elle y était ainsi réellement cousue (fig. 2 bis[1]).

Ce n’est qu’au xiiie siècle que les éperons sont armés de molettes, et celles-ci n’ont-elles habituellement alors que six pointes. Les branches, au lieu d’être horizontales, sont cambrées, pour laisser la place des chevilles et relever la tige beaucoup au-dessus du talon. On houssait alors (vers 1220) les chevaux de bataille pour les préserver des traits et des coups d’épée ; il fallait que les tiges des éperons fussent fortes et longues pour se faire sentir aux flancs de la monture. Puis l’habitude, quand on chargeait, étant d’appuyer sur les étriers en tenant les jambes roides et le bas des reins portant sur le haut du troussequin de la selle, il fallait que les tiges d’éperons fussent longues, puisque la position du cavalier lui interdisait de plier les genoux, et que pour faire sentir la molette, il ne pouvait que serrer un peu les jambes.

L’éperon devait se transformer suivant les diverses manières de monter le cheval de guerre.

Jusqu’à la fin du xiie siècle, les selles n’étaient point élevées et le cavalier était assis sur les reins de la bête ; mais, quand les charges à la lance furent considérées comme très-puissantes, on dut hausser la cuiller de la selle et son troussequin, afin de donner plus de force de résistance au cavalier (voy. Harnais). Or, ce n’est guère qu’à la fin du règne de Philippe-Auguste que les charges à la lance furent considérées comme la véritable force de la gendarmerie. Aussi les lances devinrent-elles alors plus longues et plus lourdes qu’elles n’étaient au xiie siècle. Le cavalier se haussa sur ses étriers ; les éperons, par suite, durent allonger les tiges et les relever fort au-dessus du talon, afin de piquer les flancs et non le ventre de la mouture, que le cavalier ne pouvait plus atteindre.

  1. Collection, de M. W. H. Riggs.