Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ ARC ]
— 40 —

tables troupes nationales par l’armement régulier des communes, tandis que nous ne commençâmes à entrer en ligne sous ce rapport, en face de nos voisins, que vers le milieu du xv15 siècle, lorsque l’application de la poudre à l’artillerie mit entre les mains du peuple un agent trop puissant pour qu’il fût possible de n’en pas tenir compte.

Au xie siècle déjà, il entrait dans la tactique militaire, en Occident, d’employer les archers comme nous employons aujourd’hui les tirailleurs[1]. Les archers, répandus en lignes devant les fronts de bataille, engageaient l’action, et c’était lorsque leur tir commençait à mettre le désordre dans les escadrons compactes de cavalerie que l’on se décidait à charger. Cette tactique était également employée en Orient, ainsi que nous l’apprend Joinville. Ce n’était plus la vieille tactique romaine fondée tout entière sur l’action d’une infanterie admirablement organisée, manœuvrière, et pour laquelle la cavalerie, composée entièrement d’auxiliaires, n’était qu’une arme propre aux reconnaissances, au flanquement des légions, et à la poursuite d’un ennemi repoussé. Pendant tout le cours du moyen âge, en Occident, la cavalerie est le noyau des armées, c’est elle qui décide du sort des batailles, et l’infanterie ne fait qu’engager l’action ou l’achever, en faisant prisonniers, en égorgeant même les cavaliers démontés. On ne voit guère qu’une seule fois, à la bataille de Rosbecque, en 1382, une armée tout entière, celle des Flamands, composée d’infanterie, lutter contre les escadrons qui composaient l’armée française ; et telle était alors l’inexpérience dans ces sortes de luttes, que les Flamands, au lieu de s’étendre en lignes ou de se diviser en carrés disposés en échiquier, afin d’éparpiller les forces de la cavalerie, d’en avoir raison tronçon par tronçon en couvrant les escadrons de projectiles, se réunirent en masse compacte, ne purent faire usage de leurs armes, et furent écrasés sans combattre.

  1. Cette tactique ne cessa d’être employée jusqu’à la fin du xve siècle :

    « Nos archiers estoient devant
    « Qui se prirent au traire. »

    (Chants popul. du temps de Charles vii et de Louis xi,
    recueillis par M. Le Roux de Lincy.)
    Et bien avant cette époque, dans le Roman de Fierabras (xiiie siècle), on lit ces vers :

    « A la bataille cevaucent et font lor gent rengier ;
    « Ou premier cief devant estoient li arcier,
    « Pour les nos descontire a ars turcois mainier. »

    (Vers 5583 et suiv.)