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tiré à lui la corde vers son milieu, de manière à lui faire faire un angle, lâche brusquement cette corde.

Cette arme de jet date de l’antiquité la plus reculée, puisqu’on trouve des pointes de flèches de silex laissées par les époques antéhistoriques. Toutes les races humaines se sont servies de l’arc, soit pour la chasse, soit pour la guerre, et telle est l’excellence de cette arme, qu’elle ne fut abandonnée que longtemps après l’invention des armes à feu de main.

La plupart des villes du nord de la France et celles de la Belgique, quelques villes d’Angleterre, conservent encore leurs confréries d’archers, comme une dernière tradition de l’importance qu’avait su prendre cette arme pendant le moyen âge.

L’arc est connu de tous, il n’est pas nécessaire de remonter à ses origines. Nous devons nous borner à montrer ici la place qu’il a prise dans les luttes occidentales du moyen âge. S’il n’est pas d’arme dont la fabrication demande moins de travail et soit plus économique, son usage exige une longue pratique ; aussi les archers composèrent-ils en tout temps, et notamment pendant le moyen âge, dans les armées, des corps spéciaux. Ces corps se recrutaient dans les classes inférieures : vilains, artisans, petits bourgeois. Leur armement n’était pas dispendieux, se renouvelait facilement, n’était ni lourd , ni embarrassant. En France, pendant l’époque féodale, les seigneurs, qui ne voyaient point d’un œil favorable l’établissement des communes, étaient loin d’encourager l’établissement des compagnies d’archers, tandis que, dans les contrées où les communes avaient su s’organiser en face d’une féodalité moins puissante ou plus nationale, ces compagnies prospéraient dès le xiie siècle, et apportaient en temps de guerre un secours puissant à la noblesse. La France paya bien cher la défiance de ses seigneurs féodaux à cet égard, et les soudoyers qu’elle enrôlait, lorsqu’il fallait entrer en lutte avec de puissants voisins, étaient loin de valoir les archers anglais, brabançons ou bourguignons. Lorsque après la bataille de Poitiers, en 1356, on voulut, en France, créer des compagnies d’archers, afin de placer les troupes françaises au niveau de celles d’Angleterre, on eut bientôt un grand nombre d’habiles tireurs, surpassant même ceux d’Angleterre; mais la noblesse crut voir un péril dans l’armement de ces compagnies franches et les fit dissoudre. Ce n’est pas la seule fois que, dans notre pays, la défiance des classes élevées à l’égard des classes moyennes et inférieures ait causé des désastres et fait reculer la civilisation.

Dès le xiiie siècle, l’Angleterre et le Brabant possédaient de véri-