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[ GUISARME ]
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Ce ne fut qu’à la fin de ce siècle que la guisarme semble adopter la forme particulière que présente la figure 1[1].

Le tranchant est du côté de la concavité ; la section de la pointe C d’estoc est quadrangulaire. En B, est donnée, moitié d’exécution, la section du tranchant ; et en A, la douille évidée d’un côté pour laisser passer les pointes des clous, afin de les rabattre.

Cette guisarme des xiv- siècle et xve siècle est une arme de piéton, et en effet les cavaliers ne pouvaient faire usage de ce fer à long manche, qui servait surtout à couper les jarrets des chevaux, à passer entre les plates des armures, à faucher et piquer dans les escadrons.

La pertuisane ressemblerait plutôt à la guisarme primitive faite en manière d’épieu (voy. Pertuisane).

On se servait, même au xiiie siècle, de la guisarme comme du couteau de brèche, c’est-à-dire pour monter à l’assaut :


« Mil furent et .V., chascuns tot ferarmés
« Et tenoient guisarmes et grans max enhanstés,
« Haches et grans plomées et marteaus acherés,
« Dars molus et tranchans et flaiax acoplés[2]. »


Le roi des ribauds, qui, au siège de Jérusalem, commande dix mille hommes, mène ses gens à l’assaut :


« Es vos le roi Taphur parmi .1. sablonal,
« A .X. mile ribax ; chascuns tint hoe ou pal,
« Ou gisarme, ou picois, d’achier poiteviual ;
« Portent max et flaiaus, taudeffles et maint gal[3]. »


On donnait le nom de gise à l’aiguillon qui servait à piquer les bœufs.

Dans un mémoire adressé par le bailli de Mantes au roi Charles vii[4], on lit ce passage : « Il lui semble que ceulx qui porteroient voulges les devroient avoir moiennement longs, et qu’ils eussent un peu de ventre (les vouges), et aussi qu’ils fussent tranchans, et bon estoc, et que les dits guisarmiers aient salades à visières, gantelets et grans dagues sans espéez. » Ainsi pouvait-on

  1. Collect. de M. W. H. Riggs.
  2. La Conquête de Jérusalem, chant III, vers 2093 et suiv., publ. par M. Hippeau (xiiie siècle).
  3. Ibid., chant II, vers 1736 et suiv.
  4. Vov. du Cange, Gloss., Gisauma.