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derniers retranchements, quand il l’a mise à nu par l’analyse, quand elle commence à germer au milieu des peuples ses voisins, il la dédaigne pour en poursuivre une autre avec le même entraînement, abandonnant la première comme un corps usé, vieilli, comme un cadavre dont il ne peut plus rien tirer. Ce caractère est resté le nôtre encore aujourd’hui, il a de notre temps produit de belles et de misérables choses ; c’est enfin ce qu’on appelle la mode depuis bientôt trois cents ans, qui s’attache aux futilités de la vie, comme aux principes sociaux les plus graves, qui est ridicule ou terrible, gracieuse ou pleine de grandeur.

On doit tenir compte de ce caractère particulier à une portion de la France, si l’on veut expliquer et comprendre le grand mouvement des arts à la fin du XIIe siècle ; nous ne faisons que l’indiquer ici, puisque nous reviendrons sur chacune des divisions de l’architecture en analysant les formes que ces divisions ont adoptées. Il n’est pas besoin de dire que ce mouvement fut contenu tant que l’architecture théorique ou pratique resta entre les mains des établissements religieux ; tout devait alors, contribuer à l’arrêter : les traditions forcément suivies, la rigueur de la vie claustrale, les réformes tentées et obtenues au sein du clergé pendant le XIe siècle et une partie du XIIe. Mais quand l’architecture eut passé des mains des clercs aux mains des laïques, le génie national ne tarda pas à prendre le dessus, pressé de se dégager de l’enveloppe romane, dans laquelle il se trouvait mal à l’aise, il l’étendit jusqu’à la faire éclater ; une de ses premières tentatives fut la construction des voûtes. Profitant des résultats assez confus obtenus jusqu’alors, poursuivant son but avec cette logique rigoureuse qui faisait à cette époque la base de tout travail intellectuel, il posa ce principe, déjà développé dans le mot Arc-boutant, que les voûtes agissant suivant des poussées obliques, il fallait, pour les maintenir, des résistances obliques (voy. Construction, Voûte). Déjà dès le milieu du XIIe siècle les constructeurs avaient reconnu que l’arc plein cintre avait une force de poussée trop considérable pour pouvoir être élevé à une grande hauteur sur des murs minces ou des piles isolées, surtout dans de larges vaisseaux, à moins d’être maintenu par des culées énormes ; ils remplacèrent l’arc plein ceintre par l’arc en tiers-points (voy. Arc), conservant seulement l’arc plein cintre pour les fenêtres et les portées de peu de largeur ; ils renoncèrent complétement à la voûte en berceau dont la poussée continue devait être maintenue par une buttée continue. Réduisant les points résistants de leurs constructions à des piles, ils s’ingénièrent à faire tomber tout le poids et la poussée de leurs voûtes sur ces piles, n’ayant plus alors qu’à les maintenir par des arcs-boutants indépendants et reportant toutes les pesanteurs en dehors des grands édifices. Pour donner plus d’assiette à ces piles ou contre-forts isolés, ils les chargèrent d’un supplément de poids dont ils firent bientôt un des motifs les plus riches de décoration (voy. Pinacle). Évidant de plus en plus leurs édifices, et reconnaissant à l’arc en tiers-point une grande force de résistance en même temps qu’une faible action d’écartement, ils l’appliquèrent par-