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surface de vingt mètres de nus, pour une surface de huit cents mètres environ de vides ou de piles divisées en colonnettes.

Les parties supérieures du chœur de la cathédrale d’Amiens ne marquent pas la première tentative d’un triforium ajouré. Déjà les architectes du chœur de la cathédrale de Troyes, de la nef et du chœur de l’église abbatiale de Saint-Denis, bâtis vers 1240, avaient considéré le triforium comme une véritable continuation de la fenêtre supérieure ; nous donnons (36) une travée perspective de la nef de l’église abbatiale de Saint-Denis, qui fait comprendre ce dernier parti, adopté depuis lors dans presque toutes les grandes églises du domaine royal. Mais pour vitrer et laisser passer la lumière par la claire-voie pratiquée en A dans l’ancien mur d’adossement du comble du bas côté, il était nécessaire de supprimer le comble à pente simple, de le remplacer par une couverture B à double pente, ou par une terrasse. L’établissement du comble à double pente exigeait un chéneau en C, et des écoulements d’eau compliqués. Ainsi, en se laissant entraîner aux conséquences rigoureuses du principe qu’ils avaient admis, les architectes du XIIIe siècle, chaque fois qu’ils voulaient apporter un perfectionnement dans leur mode d’architecture, étaient amenés à bouleverser leur système de construction, de couverture, d’écoulement des eaux ; et ils n’hésitaient jamais à prendre un parti franc.

Dans les édifices religieux de l’époque romane, les eaux des combles s’écoulaient naturellement par l’égout du toit sans chéneaux pour les recueillir et les conduire à l’extérieur. La pluie qui fouette sur le grand comble A (37) s’égoutte sur les toitures des bas côtés B, et de là tombe à terre. Dès le commencement du XIIe siècle on avait reconnu déjà dans les climats pluvieux, tels que la Normandie, les inconvénients de ce système primitif, et l’on avait établi des chéneaux à la base des combles des bas côtés seulement en C, avec gargouilles saillantes en pierre dénuées de sculpture. Mais lorsque l’on se mit à élever de très-vastes églises, la distance entre les combles A et B était telle que l’eau, poussée par le vent, venait frapper les murs, les vitres des fenêtres largement ouvertes, et pénétrait à l’intérieur ; les tuiles dérangées par le vent tombaient du comble supérieur sur les combles des bas côtés, et causaient des dommages considérables aux couvertures ; de 1200 à 1220 des assises formant chemin de couronnement, furent posées à la base des grands combles, et les eaux s’échappèrent le long des larmiers dont les saillies étaient très-prononcées (voy. Larmier, Chéneau). C’est ainsi que les écoulements d’eaux pluviales sont disposés à la cathédrale de Chartres. Bientôt on creusa ces assises de couronnement posées à la base des combles, en chéneaux dirigeant les