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criquet

pigeons tournent, le platane qui se rengorge entre deux allées, avec son cou gonflé d’une pomme d’Adam. Il doit avoir en ce moment une écorce toute écaillée de vert, ce platane, et, au sommet, quelques feuilles brunes, les dernières…

Mais voici que Criquet entend un froissement soyeux de jupes, le heurt des parapluies qu’on prend : c’est Suzanne qui part pour sa leçon de chant, avec miss Winnie.

Justement la voix douce, un peu trop haute, de Suzanne interroge :

— Tu ne vas pas avec Criquet aujourd’hui, Michel ?

— Mais Criquet a sa leçon.

— Tu y assistes, d’ordinaire.

— Oui, mais aujourd’hui j’aimerais tant t’accompagner un peu… Tu veux bien, Suzanne ?

Et la voix se fait suppliante.

— Quel gosse ! Allons ! viens si tu veux.

Le froissement soyeux se rapproche, la porte de la chambre s’entr’ouvre pour laisser passer le visage de Suzanne, rond et joyeux sous une toque de loutre.

— Veux-tu dire bonjour à Michel, Criquet ? Sais-tu qu’il est ici depuis un moment ?

Criquet se détourne brusquement. Elle fait : Non ! de tout son corps et, pour se donner une contenance, enfonce son nez dans un plant de fougère sur la table. Elle sent que sa sœur a pitié d’elle et cette pitié lui fait horreur.