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criquet

— Vous êtes donc fâchés ? demande Suzanne.

Silence farouche.

— Si tu boudes…

Criquet espère toujours. Mais elle entend la porte se clore doucement, puis le claquement sourd de la porte d’entrée. Une grande désolation l’envahit : elle est seule…


Elle voit en un éclair toutes les chambres de l’appartement : celle de papa, avec son lit étroit, ses fauteuils algériens, sa panoplie, son parfum d’ambre et de tabac, — de papa, en Belgique pour le moment et qui la néglige. La chambre de maman grande, pleine de dentelles et de rubans, qui sent toujours un peu l’éther ; celle de Suzanne, cretonne claire et boiseries blanches ; celle de miss Winnie, encombrée de cadres et de petits carrés au crochet ; celle des garçons, — des toupies qui traînent, des livres déchirés, des cris de cochon d’Inde. Toutes les pauvres chambres sont vides. Criquet est bien seule. Maman elle-même est sortie en voiture.

Elle ferme les paupières sur les grosses larmes qui montent ; les feuilles de la fougère, déjà un peu sèches, lui caressent le front et une odeur humide s’exhale de la terre arrosée.

— Oh ! fait-elle, en respirant très fort, cela sent le chemin creux…

Les hauts talus doublés de mousse épaisse, les