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le jour où je suis tombée de la balançoire, sous le grand acacia… Maman qui ne se dérange jamais est venue dans ma chambre. J’ai fait semblant de dormir ; elle s’est penchée sur moi, elle a effleuré mes cheveux ; je voyais entre mes cils ses mains toutes pâles et la pierre bleue d’une bague trop large qu’elle laisse glisser le long de son doigt… Je sentais sur ma joue son souffle un peu pressé, son odeur de muguet et d’éther. Elle m’a examinée un instant, elle a soupiré : « Pauvre petite ! », elle est partie de son pas lent et léger… Après j’ai dû dormir longtemps : ce tintement de porcelaine et d’argenterie, c’est le plateau du café qu’on porte au salon. On a fini de déjeuner, il doit être deux heures… »

Mas les accents d’une voix sèche et claironnante qui se rapprochaient et se précisaient firent tressauter Criquet :

— Tante Éléonore ! s’écria-t-elle. Elle ne devait rentrer qu’à la fin du mois. Voilà bien ma chance !

On s’arrêtait à la porte.

— Vous dites qu’elle dort depuis ce matin, miss Winnie ? disait la voix. C’est inconcevable ! Inconcevable et dangereux. Cela finirait par arrêter la circulation… D’ailleurs, je suis obligée de partir. Jacques, mon fils, m’attend pour une importante démarche et je tiens tout d’abord à voir cette enfant… Il semblerait vraiment que j’aie prévu la chose. — J’ai le don de prévoir ; triste don, parfois ! — Une de mes pre-