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criquet

aurait-elle aimé ces joies brutales ? Non, non, certes ! Elle ne souhaitait pas l’accompagner aujourd’hui. Mais qu’il ne sache pas non plus ce qu’elle souffre, qu’il ne sache plus rien d’elle, jamais !

La chambre s’obscurcissait lentement ; les objets familiers se noyaient un à un dans l’ombre triste, abandonnant Camille ; une lueur rouge à peine frémissait à terre devant le feu qui pleurait ; le vent pleurait aussi et la pluie monotone frappait les vitres. Criquet sanglotait longuement tout bas, à sanglots brisés qui s’arrêtaient pour reprendre. Parfois elle s’écoutait et se plaignait avec douceur : « Pauvre, pauvre Criquet », répétait-elle. Elle n’avait plus de peine aiguë, c’était un découragement infini qui l’épuisait comme si, avec ses larmes, s’écoulait peu à peu sa vie. Qu’il faudrait peu de chose pour s’en aller tout à fait, pour cesser de sentir !

Elle se tut un instant ; de gros soupirs en hoquets soulevaient encore sa poitrine ; dans les intervalles, le silence s’étendait autour d’elle en toile d’araignée ; seule, une note rythmique le troublait maintenant, égale et claire comme le chant d’un crapaud. Criquet reconnut ce bruit : celui d’une goutte d’eau qui, dans la salle de bains voisine, tombait sans cesse du robinet dans la baignoire. La petite goutte lente et obstinée semblait une voix menue qui disait : « Viens ! Viens ! Viens ! »

Camille redressa la tête pour écouter. On lui avait