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criquet

se voyait aussitôt, silhouette casquée, toute noire sur le foyer rouge, grimpant à l’échelle dressée devant une maison en flammes.

La pluie tombe sur les rues boueuses ? Qu’importe puisque, pour elle seule, luit l’éclatant soleil, celui qu’elle admirait toute petite et qui plus tard s’est assombri. Et si sa main tremble en soulevant la tasse de tisane, qu’importe encore ? La couverture au menton, ne devient-elle pas, selon son caprice, marin, explorateur, missionnaire ?

Souvent, aux heures de fièvre, un petit derviche sortait du mur pour la visiter. Il faisait, en tapant dans ses mains sèches, trois tours sur lui-même qui soulevaient en auréole sa courte jupe blanche, inclinait cérémonieusement devant Criquet son fin visage olive surmonté d’un turban et demandait : « Faites un vœu, Camille. » — « Être un homme », répondait tout de suite Criquet. « Il en sera selon votre volonté », prononçait le derviche. Un nouveau salut, un claquement de mains, trois tours de jupe envolée et le petit derviche rentrait dans le mur. Criquet l’appelait son ami et parfois croyait en lui. Elle en parla même à Suzanne qui sourit avec des yeux graves et lui mit aussitôt le thermomètre sous le bras.

Pourtant un jour, il fallut bien se lever. Dès que Camille fut assise au coin du fauteuil trop vaste où elle meurtrissait son dos amaigri, ses rêves l’abandonnèrent brusquement.