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Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/281

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criquet

de la lumière, l’appartement s’emplissait d’ombre, et de tous côtés semblaient s’élever des soupirs, des plaintes, des sanglots.

« C’est Suzanne dans sa chambre… C’est la voix de maman… » pensait Camille, les yeux toujours secs.

Le temps passait, elle était seule. Enfin miss Winnie entra, parcourut du regard le salon. Son visage était rouge, ses traits bouleversés, mais elle parla de son ton ordinaire :

— Êtes-vous là, Camille ? Oui ? Venez dîner, mon enfant…

Camille se leva lentement. Combien d’années était-elle restée là, dans ce coin ? Il lui semblait que ses bras, que ses jambes, que tout son corps se fussent changés en pierre ; ils ne lui obéissaient plus. Pourtant, elle marcha, d’un pas mécanique.

Mais quand elle pénétra dans la salle à manger, qu’elle vit le couvert dressé, la nappe blanche, les assiettes rondes et luisantes sous la suspension et le potage fumant dans la soupière, quand elle aperçut ses frères, miss Winnie, d’autres encore autour de cette table, une tempête de colère et d’horreur la souleva soudain. Comment ! on allait dîner comme hier. Comme tous les jours ! Ces gens étaient-ils fous ?

— Laissez-moi, je n’ai pas faim, dit-elle.

Et à demi-voix, elle ajouta :

— On dîne… mais lui, lui…