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tait bien à eux deux, à eux seuls, pour toujours ; quelle que fût la vie qui les attendait, personne ne pourrait leur ravir ce douloureux trésor.

Peut-être allait-elle en évoquer la mémoire, quand elle eut l’impression brûlante des yeux fixés sur elle, avec cet éclat sec qui lui faisait peur. Sa pensée s’arrêta sur ses lèvres ; et, gênée maintenant, devenue timide, étrangère, elle jeta d’une voix forcée :

— Et ce tiroir que nous oublions !… Tu vas m’aider à le ranger, n’est-ce pas ?

Il y avait de tout là-dedans : des flèches cassées, des fleurs fanées, des chiffons, des toupies, des images…

— C’est là que je mettais mes richesses, dit Camille, Chacune a son histoire. Je ne les ai pas toutes oubliées : tiens, cette grosse bille de verre — cela s’appelle un calot, n’est-ce pas ? — tu me l’avais apportée du lycée ; je te l’avais échangée contre vingt bonbons anglais, un peu gluants, un peu sucés… Que je la trouvais belle, cette bille, avec ses longs vermicelles de couleur ! Il y avait surtout une bande violette ! Je ne la jette pas. Je la donnerai aux deux garçons.

— Toujours pensionnaires, les gosses ?

— Oui, pendant deux ou trois mois encore, jusqu’à notre déménagement. Tu sais qu’après le mariage de Suzanne nous devons prendre un petit appartement ? Au fait, tu ne connais pas encore le fiancé de Suzanne ? Elle avait fait sa connaissance, l’autre année, à l’île