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poches et s’efforça de siffloter en se dandinant, comme un monsieur qui flâne et prend ses aises.

Trois jeunes ouvrières, emmitouflées dans des châles de laine, qui épluchaient des marrons en bavardant, vinrent à passer. Criquet s’avança hardiment, comme elle l’avait vu faire à Michel, dévisagea l’une des fillettes, et prononça à demi-voix, l’air convaincu :

— Jolie blonde !

Des rires, des cris aigus lui répondirent :

— Mais voyez-vous ce môme !

— Y a plus d’enfants, parole ! T’en as du toupet, mon petit !

— Repasse dans trois ans, je t’attends sur ce banc !

Tout de même, elles semblaient enchantées. Elles se retournèrent à plusieurs reprises, et l’une d’elles lui envoya un baiser, avec des épluchures de châtaigne.

— En a-t-il, des dents blanches ! fit-elle.

Criquet, souriante, un peu mélancolique, se disait : « Les petites sottes ! Si j’étais un homme et si je revenais, qu’arriverait-il ? » Elle revoyait la figure sanglotante et gonflée de la grosse amie de Louise, elle se souvenait des propos de Michel, de ses dernières lectures, et son cœur était plein d’indulgence et de pitié. Comme elle commençait à les comprendre, à les plaindre, à les excuser, toutes ses sœurs inconnues qui avaient besoin de tendresse et qui pleuraient ensuite ! « Qui sait, se demandait-elle, si je ne me suis pas trompée autrefois en désirant être garçon ; peut-