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criquet

quelque chose encore d’étrange, de fauve et de sucré.

Tout à coup, un pas martelé, un frou-frou de jupes, un cliquetis de chaînettes et de clefs : tante Éléonore s’avance, sanglée dans une robe de soie aux innombrables garnitures — son uniforme. Car « avec une robe de soie, dit tante Éléonore, on est à sa place à toute heure et partout ». Elle garde pour l’île Aulivain les plus élimés de ces costumes.

Camille, qui s’est retournée d’un bond, dissimule la bouteille derrière son dos et regarde venir sa tante avec des yeux candides.

— Inutile de te cacher, Camille, j’ai tout vu…

Tante Éléonore hoche d’un air affligé sa grosse face cramoisie aux cheveux roux mêlés de fils blancs.

— Mais, balbutie Criquet, je ne fais rien de mal. C’est des bourdons… dans une bouteille…

Elle l’élève à deux mains, comme une offrande propitiatoire.

— Des bourdons !

La voix de tante Éléonore résonne lugubrement.

— Des bourdons ! À ton âge ! Quelle honte !… N’as-tu donc pas en train un ouvrage sérieux : de la broderie, du tricot, du macramé ?

— Ah ! non, tante, alors ! lance Criquet de tout son cœur… Je sors d’en prendre… avec miss Winnie, pendant une heure…

— Je sors d’en prendre ? Quel langage, grand Dieu !…