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criquet

froides comme celles de miss Winnie, les gammes, les aquarelles où coulent toujours des larmes de couleur qui font des bouffissures ; et puis commander le dîner, fabriquer des entremets, surveiller les domestiques, enfin toutes les occupations des femmes, si tu savais comme j’ai ça en horreur !

» Réfléchis, papa : les garçons savent qu’ils peuvent devenir marins, officiers comme Jacques, docteurs comme Michel plus tard, ingénieurs comme toi, ils choisissent leur carrière… Les filles, on ne leur demande pas leur vocation : toutes la même vie d’ours du Jardin des Plantes qui tourne dans sa fosse… Encore l’ours, lui, a-t-il eu la bêtise de se laisser prendre…

Criquet s’arrêta pour respirer. M. Dayrolles, un peu étonné, un peu amusé, tirait sa barbe avec embarras,

— Tu oublies, fit-il, que les femmes ont aussi des joies, elles ont leur mari, leurs enfants et beaucoup moins de gros soucis que les hommes…

Il parlait mollement, du bout des lèvres, cherchant des raisons. Camille l’interrompit avec impétuosité :

— Oh ! papa, tu dis comme tante Éléonore, mais tu n’en penses pas un mot… Toi aussi, tu as une femme, des enfants, cela ne t’empêche pas de faire un métier que tu aimes. Et tu ne voudrais pas être une femme, n’est-ce pas ?