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criquet

engourdis, les pieds brûlants, mais ses regards vifs prennent tout ce qui l’entoure et son cœur bat, léger rapide.

Quelle journée merveilleuse !

D’abord Michel s’est montré bon camarade comme autrefois. On a couru ensemble sous la pluie, par l’îlot entier, dans les ruelles étroites où les ruisseaux dégringolaient le long des pentes caillouteuses, sur les rochers glissants, à travers les mares troublées d’écume jaune, dans les criques envahies de paquets d’algues et de coquilles, on a couru, les coudes au corps, la pèlerine envolée, tête basse dans le vent si rude qu’à peine on osait ouvrir la bouche pour respirer. On a recueilli une vieille rame — celle qui brûle en ce moment — un casier à homards, des débris de filets, on a cru voir un cadavre de noyé qu’enlevait puis ramenait la vague !

L’on vient de dîner chez un pêcheur, ami de Le Bihan : il n’y avait que de la soupe au poisson, chaude, poivrée, sentant l’absinthe et le fenouil, et trop peu d’assiettes et de couverts pour tout le monde. Ils se sont, avec Michel, servi de la même cuiller, les deux petits se sont battus… Comme on a ri !

Une seule chandelle dont la mèche charbonne, éclaire en vacillant la table pleine d’assiettes salies, d’arêtes et de mies de pain, les poutres entre-croisées du plafond, les rideaux à fleurs des lits creusés dans le mur. Au-dessus des têtes pendent des oignons, des chapelets