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criquet

traits puissants qui peu à peu se couvrait de fines gouttelettes de sueur.

« Il est un peu jaune, ces jours-ci, papa, songea-t-elle, il est oppressé, ses yeux sont gonflés ; son foie ne va pas… »

Puis elle se tourna vers sa mère : le regard fixe, celle-ci lissait d’une main ses bandeaux luisants, plus noirs sur le front blême, et de l’autre tapotait une revue à la couverture éclatante : un pli de douleur ou d’impatience crispait sa joue, de la narine au coin de la bouche, et une de ses paupières battait nerveusement. Tout à coup, ses longs yeux noirs se posèrent sur son mari, elle eut une moue chagrine, haussa légèrement les épaules, fit le mouvement de se lever puis se laissa retomber avec lassitude sur ses coussins, tandis que tout son visage semblait soudain se creuser et vieillir.

« Pauvre maman, pensait Criquet, la vie n’est pas drôle pour elle. Toujours étendue quand les autres vont et viennent… Et papa ne reste à la maison que pour dormir… »

Surprise elle-même de blâmer ce père qu’elle avait jusqu’alors si aveuglément adoré, émue d’une pitié neuve pour la mère plaintive qui d’ordinaire compte si peu pour elle, Criquet se renverse dans son fauteuil avec un soupir découragé. Oui, le monde est plein d’injustices… Cela pèse aux épaules…

Il fait si étouffant que, même en écartant les bras