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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

Christine s’était rejetée en arrière, les yeux clos, les lèvres entr’ouvertes. Chacun des baisers retentissait jusqu’au plus intime de sa chair, et son sang refluait à son cœur qui palpitait à l’étouffer.

Tout à coup, comme le jour de sa première rencontre avec Magnus, elle se sentit emprisonnée dans des bras forts, pressée contre une dure poitrine frémissante tandis qu’une chaude haleine, mêlée au parfum d’ambre de la chevelure, brûlait ses lèvres et ses moelles.

— Mon amour… murmura-t-elle très bas.

Mais soulevant alors les paupières, elle vit sur le beau visage si proche du sien une telle expression d’orgueil et de victoire qu’au moment même où les chaudes lèvres s’écrasaient sur sa bouche, la traversant d’un fulgurant éclair, elle eut un soudain sursaut, repoussa violemment le jeune homme et se redressa d’un bond sur sa couche.

— Une irrévérence aussi hardie, s’écria-t-elle avec colère, une pareille violation de la majesté royale, je ne puis vraiment vous pardonner, Monsieur… !

Magnus demeurait à genoux, interdit, sans voix, le visage bouleversé. Echouer ainsi au port !

— Relevez-vous ! fit rudement Christine.

— Je connais toute l’étendue de ma faute, bégaya-t-il enfin. J’en attends le châtiment… Mais que Votre Majesté y songe : mon offense ne part que d’un trop grand attachement.

— Quel attachement ? Je n’exige de mes sujets ni n’attends d’eux, certes, aucun attachement de ce genre !

— Je me retire donc avec toute ma douleur… Que Votre Majesté daigne m’infliger un châtiment.

Magnus à reculons, tête basse, se dirigeait vers la porte. Christine, penchée au bord de sa couche, rouge, les yeux égarés, ébaucha un geste comme pour le retenir. Au moment où il allait disparaître :

— Vous vous retirez ? fit-elle d’une voix encore irritée. Vous l’ai-je ordonné ?… Restez !… Apprenez à connaître mon indulgence… Un manque de respect en public, je me fusse vue forcée à vous châtier… Mais en tête-à-tête… Je ne veux garder de mon rang que le droit d’indulgence !