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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

d’honneur et les galeries dorées. Le Cardinal discourut longuement sur moi avec éloge ; il m’appelait, figure-toi, « la reine de Suède, vostra Minerva » ! Il me louait de vouloir la paix et affirmait que « les oliviers pousseraient bientôt en Westphalie ». En effet, peu de temps après, c’était Osnabrück et Munster.

— Je me souviens qu’à cette époque, certains propos de Mme de Motteville, dame d’honneur d’Anne d’Autriche, vous avaient vivement courroucée…

— N’y avait-il pas de quoi ? Parlant de notre damoiseau, la brave dame écrivait : « Il est bien fait, il a la mine haute et ressemble à un favori ». Et encore : « Il parle de sa souveraine en termes passionnés et si respectueux qu’il est facile de le soupçonner de quelque tendresse plus grande que celle qu’il lui doit par la qualité de sujet. » Voilà donc le beau travail de ce fat, de cet écervelé ! Alors que je m’étais torturée, crucifiée pour lui résister, que j’en souffrais encore mort et passion, il se donnait les airs, devant toute la Cour, d’avoir triomphé de moi ! Si bien que, de France, la rumeur en revint jusqu’ici où les grâces insignes que j’avais octroyées à Magnus avaient déjà éveillé les soupçons. Et il se trouve toujours en Suède bien des gens pour assurer qu’il fut mon amant. La colère m’en soulève encore aujourd’hui comme elle me souleva en ces temps lointains !

— Vous écrivîtes aussitôt à Magnus. Et je vous revois, pâle, les yeux flamboyants scellant la lettre de votre grand cachet et murmurant : « È finita la comedia ! » Et encore : « Je fais d’une pierre deux coups ! » J’étais inquiète mais n’osai rien vous demander. Là-dessus, vous vous retirâtes dans votre chambre et de vingt-quatre heures personne ne vous aperçut.

— Je venais de lacérer, de piétiner les derniers restes de ma passion… Ce que j’écrivais à Magnus ? Je lui annonçais officiellement que je l’avais promis en mariage à ma cousine Marie-Euphrosyne, fille du Comte palatin Jean-Casimir. La date des noces était fixée à deux mois de là, dès son retour de France… Je l’imaginais ouvrant la lettre d’un doigt fiévreux, s’attendant à un rappel de ma part, espérant de la tendresse, de la mélancolie. Et je le voyais, blême d’ambition déçue, sacrant, pestant : « Ah ! les femmes !… ». Vengeance, diras-tu ? Soit, mais noble vengeance. Je faisais de lui mon