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Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/34

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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Allons, trembleuses, laissez-moi faire !

C’était la sœur favorite du roi, la princesse Catherine. « Fin diplomate en jupons », disait-on d’elle.

Elle prit l’enfant, se mit en quête du roi et, sans une parole, mais avec un doux regard suppliant, la lui présenta de façon à ce que sans aucun doute, il pût reconnaître une fille ! Il était en attirail de guerre, ayant endossé sa cuirasse pour une revue de ses troupes.

À la grande surprise de ses courtisans, il saisit la petite entre ses bras de fer, comme dans le tableau, la berça, lui sourit, la chatouilla de sa barbiche et s’écria en riant :

— Elle aussi, comme vous, ma sœur, sera bon diplomate car elle nous a tous bernés !

Et avec une expression de tendre bonheur :

— J’espère que cette fille me vaudra un garçon. Remercions Dieu ! Et qu’il lui plaise de me la conserver comme il me l’a donnée.

Puis se tournant vers les jouvenceaux en livrée rouge et bleue qui l’entouraient :

— Allons, mes pages ! Courez, démenez-vous ! Que dans toutes les églises du royaume retentisse bientôt un Te Deum en l’honneur de ce bout de fille, et qu’il n’y ait pas un pauvre, dans les villes comme dans les campagnes, qui ne fasse liesse pour accueillir Christine !

— Il se révéla, écrira plus tard Christine, aussi grand en cette occasion que dans toutes celles de sa vie.

Les fêtes célébrées pour sa naissance se passèrent donc, d’après l’ordre du roi, selon le cérémonial dû à un héritier mâle.

Seule, la reine continuait à bouder. C’était d’ailleurs sa coutume de se lamenter a tout propos et hors de propos. Elle était humiliée de n’avoir qu’une fille et que cette fille fût si peu avenante.

Quand on la lui tendait et qu’elle la prenait sur son sein et entre ses bras éclatants de blancheur :

— Voyez-moi cette tête : ne dirait-on pas une fourmi dans la neige ? gémissait-elle. Ce serait vraiment à croire que j’eus des complaisances pour le roi nègre de la Crèche ! Qu’ai-je fait pour mériter pareille disgrâce ? M’a-t-on jeté un sort ?

Puis se détournant avec une moue :