Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE


IV


Il était minuit par la nouvelle lune, en pleine ascension du Lion, avec le Soleil, Vénus, Mercure et Mars, dans les mêmes signes et degrés que pour la naissance du roi.

Les astrologues avaient parlé :

— Ce sera sans doute un garçon. S’il survit aux premières vingt-quatre heures, un grand destin l’attend.

Les femmes qui s’affairaient autour de la blanche Marie-Éléonore de Brandebourg, gémissante et renversée dans ses cheveux de lin, aperçurent tout à coup un petit croupion noir et velu, en même temps qu’elles entendaient une voix si forte et si rauque que toutes ensemble elles piaillèrent :

— Un mâle !

Et comme apparaissait une tête rouge à toison brune :

— Un beau garçon robuste aux cheveux noirs comme poix !

— Un héritier pour la couronne !

Tant et si bien que la nouvelle en parvint de l’autre côté du palais aux oreilles de Gustave-Adolphe qui relevait d’une fièvre récurrente. Hélas ! Il fallut bientôt déchanter. Ces dames avaient mal ajusté leurs bésicles :

— Sainte Vierge, c’est une fille ! fit l’une en joignant les mains.

— Et point belle ! gémit une autre en levant les yeux au ciel.

Cette moricaude poilue, la fille du Roi des Neiges et de la liliale Éléonore ? Était-ce croyable ?

— Mais qui va sortir le roi de sa méprise ? fit une voix.

— C’est qu’il ne badine pas, d’autant qu’il sera fort déçu.

— Allez-y, vous, Anna de Linden, qui avez chanté la première et nous avez mises en erreur.

— Moi ? Jamais je n’oserai…

Les femmes se tenaient en groupe, serrées et chuchotantes.