— Dites, à M. le Chancelier que Sa Majesté sera heureuse de le voir dès qu’il lui plaira de venir.
— Catastrophe ! s’écria la petite dès que la porte fut refermée.
Et les yeux pleins de larmes, elle fit une affreuse grimace.
— Je m’étonne de votre comportement, Madame, fit Matthiae, s’efforçant à la sévérité. Songez à l’écrasant fardeau de travail que M. le Chancelier porte sur ses épaules. Ne devriez-vous pas lui être reconnaissante de distraire chaque jour quelques heures de son temps inestimable pour enseigner à Votre Majesté l’art de gouverner.
— Oh ! ne soyez pas si solennel, mon bon Maître. Cela ne vous sied pas du tout. Vous savez, tout comme moi, que M. le Chancelier Oxenstiern n’est pas l’homme le plus divertissant de la Cour. Rien qu’à le voir entrer, plié en deux, une main sur le cœur, l’autre caressant sa barbiche, roulant des yeux et de la voix : « Comment se porte Votre Majesté ? A-t-elle bien reposé cette nuit ? A-t-elle réfléchi, depuis notre dernier entretien, aux rapports qui doivent exister entre les États du royaume et leur souverain et à leurs devoirs comme à leurs droits respectifs ? » Oui, rien qu’à l’apercevoir, mes yeux se ferment d’ennui !
Christine mimait avec tant de drôlerie les courbettes, les roulements d’yeux, la voix pompeuse du premier ministre que Jean Matthiae ne put se tenir de sourire.
— Petite masque ! murmura-t-il.
Elle lui prit affectueusement la main :
— Vous savez bien, mon Maître que vous êtes le seul ici et même ici-bas devant lequel je puisse penser tout haut. Ne grondez pas. C’est si triste de toujours feindre ! De ne pouvoir ouvrir son cœur !
Il y avait une telle note de tendresse dans sa voix que Matthiae en fut ému.
Mais tout à coup Christine lâcha sa main. Et avec un cri douloureux :
— Oh ! Et mon poney ? Et mon galop dans la forêt ?
— Allons ! Ne gémissez pas. Vous irez cette après-midi, Christine. M. Grotius attendra sa réponse…
À ce moment même, la porte s’ouvrit devant deux pages, et M. le