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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

On dut se borner à la convaincre, et ce ne fut pas sans peine, qu’une souveraine doit avoir tout au moins le visage et les mains nets et les ongles soignés.

Les régents et conseillers bonnes d’enfants, malgré de si brillants résultats, s’accordaient maintenant pour regretter que l’enfant abandonnée fût privée de sa mère.

Que devenait donc l’élégiaque Marie-Éléonore ? Après l’avoir jugée trop encombrante on la trouvait par trop discrète. Aussi dicta-t-on à la fillette une lettre où elle demandait instamment le retour de sa mère dans la capitale.

Mais la reine-mère n’avait point oublié ses griefs, assez plausibles, il faut le reconnaître, contre les régents et contre le pays.

— Plutôt au pain sec à l’étranger que dans l’abondance en Suède, répétait-elle.

Elle vint tout juste quelques jours à Stockholm, fit trois petits tours et puis s’en fut dans son château de Gripsholm. Ce château se trouvait tout proche de la frontière danoise. Et bientôt on en apprit de belles : la veuve du roi de Suède, la mère de la future reine correspondait en grand mystère avec les ennemis héréditaires de la Suède, et surtout avec leur chef, le beau roi Christian IV. Allait-elle s’envoler ?

L’amiral Ivan Nilson reçut la tâche ingrate de veiller sur la veuve consolée.

— Pourquoi passer vos jours, assise auprès de cette mer sauvage ? lui demanda-t-il. Ne vous trouveriez-vous pas mieux sous les ombrages de votre parc ?

— C’est mon plaisir de lire les beaux vers de l’Illiade au bruit rythmé des vagues, répondit la reine d’un ton précieux.

Le pauvre loup de mer en demeura pantois. La douairière entendait-elle rivaliser d’érudition avec sa fille, la jeune Pallas ?

Un navire danois aux belles voiles gonflées croisait, comme par hasard, au long des côtes.

Un beau matin de juillet 1640, les chambrières de Christine accoururent essoufflées, effarées, ravies :

— Madame, Madame, la mère de Votre Majesté… la reine Marie-Eléonore… !