Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/115

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esprit me semblait pâteux comme une langue d’ivrogne. Des migraines fréquentes aménageaient ma tête pour l’installation d’une définitive neurasthénie. Le temps des vacances consacré à la visite de la Belgique, de l’Angleterre ou de l’Allemagne n’apportait plus qu’un léger dérivatif au travail de cette lente désagrégation. J’étais trop familiarisé avec les nouvelles méthodes de la psychothérapie pour n’avoir aucune illusion sur les ravages de la maladie. Il m’aurait fallu marcher vers ce calme que seuls la nature et la vie animale procurent au rêveur. Mais au-dessus de mes instincts de poète s’érigeait avec trop d’orgueil la pensée, pour admettre sa déchéance. Mes longues méditations n’avaient point encore réussi à me pousser jusqu’au bon sens. Je me drapais donc dans mon nihilisme et me dressais immobile à l’entrée du nirvana, comme un bouddhiste résigné à la mort.

Je crois que je n’aurais pas étendu le bras pour saisir ma délivrance. Mais il suffit d’une