Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

si simple secousse pour éveiller au fond de nos cœurs l’énergie endormie, qu’une pauvre parole, tendue avec émotion, me projeta vers l’avenir. Jésus apprenant la mort de Lazare pleura, et ses larmes, tombées sur l’ami déjà rongé de vers, le dressèrent debout ; on n’eut plus qu’à couper les bandelettes.

C’était, il m’en souvient, un vendredi soir de la mi-novembre. Les cours reprenaient en Sorbonne. Licencié depuis deux ans, j’avais fait dans la journée ma première leçon d’agrégation : un assez curieux exposé de la théorie des mythes de Platon. De retour chez moi je me sentis environné d’un tel silence que je pris peur. Je me précipitai dans la rue. Ma promenade dut ressembler à la fugue de ces hystériques, qu’on retrouve au terme de leur voyage accompli dans la plus stricte inconscience. Après avoir longtemps erré, au gré de mes pas, je repris connaissance et me trouvai assis devant le bar Maxim’s, buvant avec avidité la musique ca-