Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/33

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mières rampes de la colline, je contemplais, infatigable, ce spectacle titanique. J’aurais tant voulu mêler ma fièvre inemployée aux mille bras levés sur ces quartiers élastiques ! être un de ceux-là qui frappent, dans une tension de tout le corps, la tête rejetée en arrière, alors que le pic a rebondi et que le bruit du choc vous parvient seulement ! Dieu merci, mon imagination a toujours travaillé plus que tous mes membres, qu’elle fait pourtant trembler et qu’elle fatigue sans cause. Je revivais donc auprès de mon trou les fortes émotions d’un carrier. Jamais peut-être je n’ai autant dépensé d’énergie à m’entourer d’un tumulte fictif.

Ce carré de bégonias, aux larges feuilles vert-de-gris, dont s’enorgueillit la façade du perron, offrait un riche magasin d’explosifs. Je tirais sur les tiges, les déterrais sans pitié, entr’ouvrais les lèvres roses de ces fleurs onctueuses et chipais la langue de feu que forme l’ensemble des étamines. Ce petit point d’or qu’on dirait une étincelle, me servait de car-