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d’accomplir un geste séculaire, de mettre en bouteilles toute la nature ?

Le cidre, c’est nos coteaux, nos vergers ensoleillés, les tresses blondes de nos paysannes, de l’urine de vache qui rit dans un verre. Ma boisson fermentée avait, en plus, l’avantage de ressembler à cette matière féconde que les enfants ramassent sur la grand’route, dans leurs chariots à deux roues, après le passage des bœufs,… la quintessence de l’univers.

En face s’ouvre le fruitier. Cette bibliothèque des gourmets fleure un exquis parfum de reinette, de bergamote, de beurré, de crassane et de louise-bonne. Sur des rayons divisés en petites cases de la largeur d’un gros fruit, s’étalaient les plus belles collections de notre clos. Durant les longues soirées d’hiver, les dents déchiffraient le sens de chacun de ces exemplaires de luxe. Je vois encore le dos en chagrin des virgouleuses, le cartonnage vert des bons-chrétiens, le tissu parcheminé des canada. À droite, sur un réseau de fils