Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/56

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gir ma vie, ordonner mes puissances. Nos pères avaient bien le génie et l’amour de la construction. Un édifice de logique dominait chacun de leurs actes ; la terre de France leur procurait de fortes assises. Je me plais à retrouver la règle de leur esprit dans cette charpente massive, compliquée et nécessaire. L’œil se perd parmi ces traverses, ces lattes, ces moises, ces encastrements. Là resplendit le foyer de notre âme commune, l’inéluctable idée du Temps.


Nous touchons au terme de notre voyage. Un seul grenier reste à traverser, celui des noix. En octobre des gens hâlés appliquaient des échelles aux branches séculaires des noyers et s’y perdaient. Une tempête se déchaînait à travers les feuilles. On entendait le bruit des gaules et, tombait dru une grêle de fruits oblongs qui, en touchant le pré, se dépouillaient de leur écale verte. On vidait ici les sacs sonores ; avec un rateau on étendait sur le plancher, en nappes denses, les