Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/70

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S’asseoir par terre, voilà un geste simple et nécessaire que nous accomplissions jadis avec volupté, alors que nos esprits, non encore dressés par l’orgueil, s’occupaient exclusivement à pétrir de la boue et à manier du sable. Notre enfance caressait avec amour un peu de la substance de nos champs et de nos corps. Pour mieux manifester notre obscur désir de ne point nous détacher de nos origines, combien de fois nous est-il arrivé de courir à quatre pattes sur le sol !

Souffrez donc que je vous offre ma confession, comme autrefois je vous tendais un fruit, après y avoir mordu. La nacre de vos dents rieuses creusait l’empreinte de mes dents et je vous regardais, heureux et tranquille, boire le suc de mes pensées.

Ces pensées, Mad, étaient les vôtres. À vrai dire ce n’était point encore des pensées claires, des pensées turbulentes, de ces impérieuses pensées qu’on sent courir dans le cerveau ; mais plutôt une douce chaleur,