Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/71

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semblable à celle que dégage, à midi, l’eau du bassin où l’on trempe son doigt.

Je ne me distinguais de vous que par mes bas troués et par ma force à lancer des pierres à la cime des arbres. Nos yeux dardaient les mêmes rayons. Nous marchions, très sages, au milieu des allées dorées, nous tenant par le bras, en proie à des extases perpétuelles. On ne se disait jamais : je t’aime. Notre mutuelle affection s’élevait dans le ciel bleu, comme la fumée tranquille, qui déjà monte du toit à notre réveil et à laquelle on ne prend plus garde. Nos jeunes vies nous étaient si familières ! Nous poussions notre joie dans la certitude, si sûrs du lendemain ! On préférait goûter en silence le bonheur d’être cela.

Cela, c’était la chanson du vent dans les sapins hérissés d’aiguillettes ; cela, c’était le brûle-gueule du jardinier François, le tablier blanc de la petite servante, la mie de pain jetée aux carpes centenaires, le violon de votre grand-père ou sa canne torse, le