Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/86

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chaque jour quelque communication de la plus haute importance, et j’ai tout lieu de supposer que Mad se glorifie du même défaut de mémoire puisque, à peine rentrée, elle répond à ma lettre qui l’attendait déjà.

L’oncle Charles n’entend ni la plaisanterie, ni qu’on prenne son plaisir où on le trouve, et encore moins à écrire des folies qu’à en faire. Chez lui le mépris est silencieux et se manifeste par des haussements d’épaules qui parlent plus fort qu’une parole. J’ai dû m’incliner et seller Manon.

Nous sommes allés jusqu’à Sassenage par le petit sentier obscur qui lèche le pied de la montagne. Je rentre tout crotté, mais avec des parfums d’acacias fleuris plein le cœur. À présent le sujet de ma narration s’est évaporé dans l’ombre transparente et bleue des glaïeuls. Il me faut un grand effort pour plonger jusqu’au fond de mon ancien moi et en rapporter quelques vieux débris d’états d’âme.