béant que des siècles de labeur n’ont pu combler, — consiste pour les uns en l’universalité des êtres créés, devient pour d’autres, comme Aristote, le principe intérieur de l’univers qui le meut et l’organise, « la cause première du mouvement et du repos ». Tous deux, stoïciens et épicuriens, invitent à « suivre la nature » ; cependant leur morale théorique réciproque diffère toto cœlo. Le mot litigieux est pour Boileau synonyme d’ordre et de mesure ; Jean-Jacques s’en inspire pour affranchir l’homme des liens sociaux. La nature des romantiques n’a rien à voir avec celle des classiques, et le motif rationnel par lequel furent attaquées les trois unités dans la Préface de Cromwel fut celui qui les imposa deux siècles plus tôt.
De cette impossibilité à embrasser le champ illimité de l’océan de mystère qui mugit au bord de notre vie, de cette impuissance à éteindre notre flamme de curiosité dévorante dans chaque vague de l’être, sont nés les innombrables idéals humains. Au phare tournant de nos désirs inassouvis, à la lumière clignotante de nos rêves de bonheur, le mot nature s’est varié d’acceptions multicolores ; d’où la diversité de nos philosophies et de nos esthétiques.
Il en résulte que des œuvres goûtées par leur fidélité aux lois de la nature, cause première de tout art, sont bientôt répudiées au nom des mêmes lois[1].
- ↑ Est-ce à dire que le subjectivisme absolu soit le vrai ? Il