nouvelle virginité, en même temps aussi la nature n’apparaît pas la même aux yeux des siècles successifs. Disons mieux : celle-ci accuse une telle richesse, une telle fécondité, un tel devenir, que si notre être la contient tout entière en ses virtualités, notre conscience réfléchie n’en goûte jamais qu’une tranche, celle-là seule qui dans l’instant est assimilable. D’un paysage indéfini nos yeux ne perçoivent que des juxtapositions. Malgré les violences qu’on peut faire subir à l’esprit pour le forcer à s’accommoder, nos synthèses ne sont encore que des points de vue.
Ce serait, à propos, un curieux tracé d’histoire comparée des idées, que celui où s’inscrirait la courbe des transformations subies chez tous les peuples, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, par la notion de réel. Après tout, le demi-cercle, sans cesse recommencé jamais fermé, que s’efforcent de clore les penseurs, n’apparaît-il pas l’horizon essentiel vers quoi s’achemine toute philosophie.
L’éternelle poursuite de la formule magique, de cette unité fondamentale, promesse d’explication universelle ; la fureur belle de substituer aux systèmes le Système, celui qui absorbera la nature entière, — affolent le cerveau des hommes en mal d’absolu et l’obligent à rajeunir sans fin ses méthodes d’investigation, à se tailler de nouveaux sentiers parmi la brousse des faits, à pousser avec délices des reconnaissances dans l’inconnu. La nature ! — abîme