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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/40

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de noter, par une sorte d’auscultation intellectuelle, jusqu’aux pulsations de la matière, jusqu’à la respiration du monde.

Cette âme qu’on sent partout, c’est bien elle qu’ont voulu rendre les symbolistes. Aux instants propices où les chaînes de la matière nous emprisonnent moins rudement, qu’on relise Rodenbach. On se retrouvera soi-même en ses vers, soi-même et ce qui nous compose. Des moindres bibelots dont notre rêve d’artiste aime s’entourer et qui forment autant de souvenirs vivants, fusera une note, et des motifs de symphonie spirituelle s’ajouteront les uns aux autres, transposant à leur manière, et musicalement, nos émotions intérieures, pour finir en un vaste concert psychique où nos propres motifs seront joués. La suggestion mentale prendra une telle intensité, qu’il nous sera impossible à un certain moment de savoir si c’est notre être qui retentit au dehors, ou si ce sont les choses qui arpègent nos états d’âme.

Sans faire injure aux parnassiens, on peut donc affirmer que les symbolistes, en s’attachant davantage à l’âme, en dégrafant le manteau illusoire où s’enferment les formes visuelles et harmonieuses, qui elles-mêmes ne sont que l’expression atténuée des vibrations intérieures de l’être, — se sont approchés plus près du tabernacle de l’arche où repose le réel, puisque la seule réalité vraieporro unum esse necessarium — c’est l’âme.