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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/83

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belle expression de notre personnalité, l’ensemble de nos facultés intellectuelles et morales, le vivant en tant qu’un[1].

Pour être plus clair parlons allemand. La distance qui sépare l’artiste ou le métaphysicien du savant fut mesurée par Kant, par Fichte et par les premiers romantiques allemands si profondément symbolistes, tel Novalis. Il est à regretter que l’auteur de la Critique de la raison pure et que celui de la Wissenschaftslehre n’aient pas su franchir l’abîme ; tout de même ils comprirent l’énorme faille qui coupe en deux l’esprit humain. Ils distinguèrent donc avec soin le Verstand du Vernunft, l’entendement de la raison. « L’entendement, déclare Fichte, est une faculté improductrice, inerte de l’esprit, le simple réceptacle de tout ce qui est et sera déterminé par la raison »[2]. La raison, au contraire, le Vernunft, lui apparaît une sorte de faculté métaphysique, suprasensible et supra-intellectuelle qui se rapproche de la Foi des mystiques. — De même chez le savant, qui se guide d’après l’intellect scientifique, le raisonnement bannit la raison. Au contraire, le métaphysicien et l’artiste dépassent la région des idées abstraites et puisent dans le plein épanouissement de la

  1. C’est ce qui faisait dire à Malebranche que nous connaissons l’âme par sentiment.
  2. Voir Spenlé, Novalis, Essai sur l’idéalisme romantique en Allemagne ; en particulier le chapitre intitulé L’Intuitionnisme.