Aller au contenu

Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manifestations de la vie en perpétuel changement, assez vaste pour permettre à chaque œuvre de se réaliser suivant sa tendance propre, assez belle pour y faire entrer notre chère tradition nationale sans porter atteinte à aucune liberté individuelle.

Et, comme une obsession, se présentaient à ma réflexion trois familles d’esprits bien caractérisées. D’abord l’ignorant, dont la faculté de raisonner rudimentaire ne s’aventure pas au delà de l’induction vulgaire. Puis le savant, en qui s’est développé par l’étude attentive le goût des enchaînements logiques et des synthèses d’idées, mais dont le mode de connaissance ne s’élève pas au-dessus d’un certain ordre de rapports constants. Le savant ne peut s’évader du relatif. Pour lui, penser c’est conditionner. À mille lieues de l’ignorant et dans une toute autre planète que le savant, vivent le métaphysicien et l’artiste, — je ne parle ici que de ceux qui méritent vraiment l’une ou l’autre de ces appellations. Ces derniers procèdent par intuitions ou visions directes. Ils ont pris possession du réel et chacune de leurs pensées est un acte simple. Doué d’un pouvoir extra-logique leur esprit perçoit, on dirait, l’essence même des êtres et des choses, ou tout au moins leur pleine réalisation dans la conscience. Le métaphysicien et l’artiste vont au delà de la science, jusqu’au sentiment, et je n’entends par sentiment ni humeurs, ni émotions passagères, mais la plus complète et la plus