Aller au contenu

Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Si je pouvais, Beauté, suspendre mes amours
À ta bouche, et bâtir au dôme de tes rêves
Une voûte en corail recueilli sur les grèves
Étranges d’un pays exotique, et deux tours
En mosaïque d’or fulgurantes de glaives !…


Si je pouvais, Déesse, approcher des couvents,
Où dormirent jadis de sages sentinelles,
Tandis que les Pandits éclairaient tes chapelles,
Et que l’essaim des vœux des Brahmanes fervents
Voltigeait sous ton cloître en prières fidèles !…


Mais ton temple est immense et je suis trop chétif.
Je tremblerais d’ouïr répercuter ma plainte
À travers les arceaux du vaste labyrinthe,
Et de me perdre au fond des mails ombragés d’ifs,
Où l’on perçoit encor comme un tocsin qui tinte


Si je pouvais abstraire en ton sein mon bonheur,
M’absorber dans l’azur de ta beauté sereine,
Être un de ces saphirs qui roulent sur ta traîne,
Que tu fais enchâsser, pour parer ton honneur,
Dans les créneaux de ton diadème, ô ma reine !