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Page:Vitrac - Victor ou les Enfants au pouvoir, 1929.djvu/22

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VICTOR

Eh bien, je resterai ! Tu veux me faire chanter, sale gosse ! voyou ! Je resterai, soit, mais tu me le paieras !

VICTOR, l’embrassant gentiment.

Va, je ne t’en veux pas, Lili, et tu ne seras pas inquiétée, je te le jure… Parce que je suis terriblement intelligent. Dommage que tu aies payé la première.

(Lili sort en pleurant.)

Scène II

VICTOR, seul.

Victor s’assied, se prend la tête dans les mains et reste silencieux pendant quelques instants.

VICTOR

Terriblement… intelligent. (Un temps.) J’ai vu cette nuit mon oncle, le député, le montreur d’ours, sous le thuya du jardin. Il était tout blanc, avec un fusil blanc comme du marbre. Il a réussi. Je m’approchai de lui, à distance pourtant de sa main. Quelle manie de me toucher le front et de dire : il me ressemble. Ah ! celui-là, c’est bien un Paumelle. Je voyais soudain dans le nuage le dessin exact d’un éclair… Nous fûmes surpris, l’autre année, un quatorze juillet, par l’orage. Des chevaux se cabraient devant les drapeaux de la gendarmerie. Tout le monde était gai. Mon père, qui tenait les rênes avait des gants noirs. Comme autrefois, l’éclair était rose. Je remarquai sa forme instantanée. Il figurait le contour des côtes de la Manche. Je le suivais du doigt sous la pluie. Le député excitait ses ours, et m’assurait de son affection : Victor, tu es terriblement[1]

(Entre Esther.)
  1. Ce passage a été supprimé à la représentation.
    N. D. L. A.