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Page:Vivien - Dans un Coin de Violettes, 1910.djvu/13

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De tels envois n’étaient pas, je dois l’avouer, sans me causer beaucoup d’émotion, surtout alors qu’ils me parvenaient à la mer, où je pouvais, dans le loisir, en savourer tout le charme, mais ils n’étaient pas sans me donner, en même temps, une vive inquiétude, et j’avais parfois la sensation que l’aile de la mort familière avait effleuré ces messages et ces poèmes.

Je savais l’extrême faiblesse dans laquelle se mouvait, à force d’énergie, la silhouette chétive de la Muse-aux-violettes. Je me souvenais du dîner auquel elle m’avait convié, quelques jours auparavant, la veille de son départ pour la Hollande, dîner en tête-à-tête, délicieux et intime, dans le décor artiste et sombre de sa salle à manger aux japoneries merveilleuses que des cierges éclairaient avec mystère. Je me souvenais de ce repas pendant lequel, suivant sa coutume, elle n’avait guère approché de sa bouche qu’une demi-coupe de champagne et quelques bonbons, mais, où, gracieuse comme toujours avec ses amis, elle s’était montrée prodigue, de bonne humeur, d’anecdotes et de sourires, jusqu’au moment où, soudain, indisposée, elle était sortie sans pouvoir reprendre sa place…

Je savais que de telles faiblesses lui venaient fréquemment, et se justifiaient d’une abstention de nourriture qu’elle semblait, chaque jour