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LA VÉNUS DES AVEUGLES


Je me suis égarée en la vaste Musique,
Lupanar aussi beau que peut l’être l’enfer ;
Des vierges m’imploraient sur la couche lubrique
Où les sons effleuraient lascivement leur chair.
Tandis que les chanteurs, tel un Hindou qui jongle,
Balançaient en riant l’orage et le repos,
Plus cruels que la dent et plus aigus que l’ongle,
Les luths ont lacéré mes fibres et mes os.

Tordus par le délire impétueux du spasme,
Les instruments râlaient leur plaisir guttural,
Et les accords hurlaient le noir enthousiasme
Des prêtres érigeant les bûchers de santal ;
Des clochettes troublaient le sommeil des pagodes,
Et de roses flamants poursuivaient les ibis…
Je rêvais, à travers le murmure des odes,
Les soirs égyptiens aux pieds de Rhodopis.

Au profond des palais où meurt la lune jaune,
Les cithares et les harpes ont retenti…