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Page:Vivien - Une femme m’apparut, 1905.djvu/226

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— Mon doux San Giovanni, que me conseillez-vous en cette heure indécise ? »

L’Annonciatrice sourit bizarrement : ainsi le soir sourit à son image reflétée dans l’eau.

« Il faut préférer la violence à la tendresse et la passion à l’amour, » dit-elle. « Il est lâche d’estimer le bonheur plus haut que la radieuse souffrance.

— Je ne suis ni salamandre ni phénix, et je ne puis vivre de ce qui détruit et consume.

— Tant pis pour toi, tu ne seras jamais poète. Jamais un poète ne fut heureux. Nul n’est, d’ailleurs, ni poète ni saint de son vivant. Mais tu ne seras point poète dans la mort, puisque tu n’as point su aimer.

— J’ai aimé jusqu’à la limite de mes forces, » me défendis-je. « On n’a pas le droit d’en demander davantage à un être humain. Plus tard, je m’épuisai et je renonçai à la lutte vaine. Comme Dante, j’ai erré dans la nuit d’orage, et j’ai