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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/100

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intérêt de remarquer que ceux-là précisément qui voudraient imposer une mission religieuse particulière à la Russie, (les slavophiles) sont forcés d’ignorer ou de méconnaître le seul phénomène historique où l’esprit religieux du peuple russe se soit manifesté avec une certaine originalité. D’un autre côté, quelques cercles de nos libéraux et radicaux « occidentalistes[1] » prennent volontiers, malgré ses formes barbares, notre protestantisme national sous leur protection, et pensent y apercevoir la pensée d’un avenir meilleur pour le peuple russe. Quant à nous, n’ayant aucun motif ni pour déprécier, ni pour surfaire ce phénomène caractéristique de notre histoire religieuse, nous pouvons le juger d’une manière plus objective. Nous ne méconnaissons pas la grande part qui revient à l’ignorance la plus profonde, aux tendances ultra-démocratiques et à l’esprit de révolte dans l’origine du rasskol. Nous n’y chercherons donc aucune vérité supérieure, aucun idéal religieux positif. Et cependant, nous devons constater qu’il y eut toujours une étincelle du feu sacré dans cette agitation grossière, voire même absurde, des passions populaires. Il y avait là une soif ardente de la vérité religieuse, le besoin urgent d’une Église véritable et vivante. Notre protestantisme national dirige

  1. C’est le nom (zapadniki, en russe) qu’on donne au parti littéraire opposé aux slavophiles et tenant aux principes de la civilisation européenne.