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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/79

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toute cette organisation sociale de l’Église, pourquoi ces pouvoirs souverains et absolus dont le Christ l’a munie, en lui donnant la faculté de lier et de délier sans appel sur la terre et dans les cieux ?

Les moines de la sainte montagne d’Athos, — ces vrais représentants de l’Église orientale isolée — usent toutes leurs forces depuis des siècles à prier et à contempler la lumière incréée du Thabor[1]. Ils ont raison, puisque la prière et la contemplation des choses incréées sont indispensables à la vie chrétienne. Mais peut-on admettre que cette occupation de l’âme constitue la vie chrétienne toute entière ? — et c’est ce qu’on est forcé de faire, quand on veut mettre l’Orient orthodoxe, avec son caractère particulier et sa tendance religieuse spéciale, à la place de l’Église Universelle. Nous avons en Orient une Église qui prie mais où est, chez nous, l’Église qui agit, qui s’affirme comme une force spirituelle absolument indépendante des puissances terrestres ? Où est, en Orient, l’Église du Dieu vivant, l’Église qui, à chaque époque, donne des lois

  1. Par certains procédés physiologiques et psychologiques qui, dans leur ensemble, ont reçu chez nous le nom d’opération mentale (oumnoié diélanié), les solitaires d’Athos parviennent à un état extatique où ils éprouvent des sensations singulières et prétendent voir la lumière divine qui s’est manifestée lors de la Transfiguration de Notre-Seigneur. Le plus curieux, c’est qu’on regarde ce phénomène comme une réalité subsistante et éternelle. Des disputes acharnées se sont produites dans l’Église grecque au XIVe siècle pour élucider la nature propre de la lumière thaborienne et ses rapports avec l’essence de la Divinité.