Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/17

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moins délicieux, et, vers le soir, la tourmente s’étant calmée, je sortis pour faire un tour dans le village. Je m’arrêtai devant les vitres opaques du cabaret ; les paysans qui nous avaient servi de rabatteurs le matin étaient réunis là ; ils buvaient leurs gains de la journée, qui en eau-de-vie, qui en thé. On organisait un bal ; les filles et les garçons dansaient, c’est-à-dire tournaient en rythmant le pas et en se tenant par la main. Le ménétrier était un petit homme à figure insignifiante, d’âge incertain, d’air souffreteux, cassé et ployé sur lui-même, comme les hommes de peine qui ont porté de bonne heure des poids trop lourds ; on devinait un ancien soldat à la coupe de sa barbe et de ses cheveux, à la souquenille de drap gris qui l’enveloppait et avait dû être jadis une capote d’ordonnance. L’homme grattait trois cordes assez