Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/31

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de l’âme russe ; c’est une chaudière où fermentent des ingrédients confus : tristesse, folie, héroïsme, faiblesse, mysticisme et sens pratique ; vous en retirerez de tout au petit bonheur, et vous en retirerez toujours ce que vous attendiez le moins. Si vous saviez jusqu’où cette âme peut descendre ! Si vous saviez jusqu’où elle peut monter ! et de quels bonds désordonnés !

Vous venez de voir les paysans de mon village, une centaine de familles engourdies depuis des siècles sur ce lit de neige, sous ce rideau de sapins. Vous vous êtes dit avec pitié que ce pauvre tas d’hommes n’est guère qu’un prolongement vivant de la forêt, comme elle obscur, impénétrable, sourd aux grands bruits de pensée qui réjouissent et transforment le monde. Cela vous a paru sans intérêt, ces êtres primitifs réduits au minimum d’idées, de besoins et